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Edito de Telquel
N°229 - 10 au 16 juin 2006
Ahmed R. Benshemsi
Laissez le peuple danser !
“Ce que veut le peuple”… c’est surtout qu’on ne lui prenne pas la tête !
C’est la saison des festivals. Par centaines de milliers, les Marocains investissent les rues, chantent, dansent et font la fête. Mais hélas, trois fois hélas, il faut toujours qu’on la leur gâche. Chaque été, de nombreuses voix s’élèvent contre “les festivals de la débauche et de la prostitution”, “l’atteinte aux valeurs morales et à l’identité marocaine”, etc. Et c’est “au nom du peuple” que ces choses-là sont dites, par de multiples élus à travers le royaume, partout où des activités de rue sont programmées. Selon ces gens, “ce que veut le peuple”, c’est, je cite, “al oughniya l’wataniya l’hadifa” (“la chanson patriotique à message”) et/ou “al oughnia arrouhania” (“la chanson spirituelle”, c’est-à-dire religieuse). “Le peuple”, selon eux, ne veut surtout pas de chaâbi (parce que c’est “vulgaire”), ni, évidemment, de ces sonorités barbares venues d’Occident (parce que ce n’est “pas dans notre culture”)…
Les chiffres, pourtant, sont sans appel. Quand, il y a un mois, les élus de Casablanca avaient réclamé – et obtenu – l’organisation d’un récital public de amdah (chants liturgiques à la gloire du prophète), un petit millier de spectateurs, à tout casser, s’étaient déplacés. Allez, 2000, soyons larges. L’année dernière, en clôture du festival de Casa, la star du Raï Bilal avait attiré 160 000 spectateurs et la vedette du Chaâbi Saïd Senhaji, 200 000 ! Que “du peuple”, du vrai, du qui vient des quartiers pauvres – et à pied, parce qu’il n’a pas de quoi payer le bus ! Les champions de la religion et de l’identité nationale se plantent sur toute la ligne. “Ce que veut le peuple”, c’est qu’on ne lui prenne pas la tête avec des messages politiques, de quelque ordre que ce soit. Quant à la religion, “le peuple” n’a rien contre, mais considère qu’il y a des espaces réservés à cela : la mosquée, la maison… et certainement pas la rue.
Mais qui sont donc ces empêcheurs de danser en rond ? Des islamistes ? Même pas ! De l’avis de tous les militants culturels, les barbus sont les moins gênants parmi leurs adversaires. Ceux-là se contentent de parler et d’invectiver, mais sans aller plus loin. Les vrais enquiquineurs, dans toutes les villes où sont programmées des activités culturelles gratuites, ce sont quelques élus communaux avides de privilèges. Contrairement aux islamistes, ceux-là, toutes étiquettes politiques confondues, n’ont pas d’idéologie. Ils n’ont que des intérêts. Une petite délégation de signature fait leur bonheur, parce qu’elle leur donne un pouvoir. Et un pouvoir, ça se monnaie. Si les festivals les dérangent, c’est uniquement parce qu’ils ne trouvent rien à “gratter” dessus.
Partout où il y en a, en effet, les festivals sont organisés par des professionnels de l’événementiel, sur la base de conventions signées avec les municipalités. Et le plus drôle, c’est qu’avant d’être signées, ces conventions sont votées… par ceux-là mêmes qui les dénoncent, l’été venu, avec des trémolos populistes dans la voix ! Mais pourquoi les votent-ils, alors ? Selon un acteur associatif très impliqué dans l’organisation de festivals, “parce qu’au moment de voter, ils y trouvent leur compte d’une manière ou d’une autre. Mais dès que le vote est passé, sans crainte de la contradiction ni du ridicule, ils se remettent en chasse : qu’est-ce qu’il y a à gratter, et sur quoi ? ”.
Ne nous y trompons pas : la religion et la morale ne sont, le plus souvent, qu’un paravent commode à des intérêts nettement moins avouables. Quant au “peuple”… Si chaque pas de danse avait valeur de vote, le Maroc serait beaucoup, beaucoup mieux géré.
Edito de Telquel
N°228 - 3 au 9 juin 2006
Ahmed R. Benshemsi
Al Adl vs. al qanoun
L’Etat ne se laisse pas déborder par Al Adl… et garde le beau rôle. Chapeau !
C’est rare, et c’est pourquoi il faut le saluer quand ça arrive : le ministère de l’Intérieur fait preuve de finesse et de subtilité. La démarche a certainement été concertée (notamment avec la police), mais le mérite en revient à Chakib Benmoussa, tout récent ministre de l’Intérieur qui étrenne ainsi sa fonction de “politique”, après s’être longtemps posé comme “technocrate”. Il s’agit du nouveau traitement sécuritaire d’Al Adl Wal Ihsane.
Depuis une dizaine de jours, les fidèles du Cheikh Yassine sont soumis à une épreuve inédite : des arrestations massives mais courtoises, sans violence, et surtout très brèves. Les centaines de militants d’Al Adl arrêtés depuis le 24 mai ont tous été relâchés très vite, sans qu’aucune charge soit retenue contre eux. Motifs des arrestations : “manifestations publiques non autorisées” et “diffusion non autorisée de tracts et de matériel promotionnel”. Juridiquement, c’est irréprochable. Objectivement, c’est une blague. La plus grosse force para-politique de ce pays a toujours été interdite mais, au moins depuis sept ans, largement tolérée. Ses meetings se sont (presque) toujours tenus sans anicroche, et le prosélytisme de ses membres a toujours été (tacitement) admis. Et de temps en temps, l’Etat s’énervait et castagnait ou intentait des procès ubuesques. Quand Benmoussa déclare aujourd’hui qu’il est “du devoir de l’Etat de faire respecter scrupuleusement les lois en vigueur”, c’est bon pour Le matin du Sahara, mais personne n’est dupe. Il s’agit bien évidemment d’un changement de stratégie politique, qui répond à une montée en puissance d’Al Adl.
Depuis le début de “2006 la glorieuse”, année de tous les cataclysmes dans la mythologie yassinienne, chaque nouvelle action publique d’Al Adl, chaque nouvelle “sortie” du cheikh est en effet plus audacieuse et rassemble plus d’adeptes que la précédente. Quant à la communication de la Jamaâ, elle est plus excellente que jamais. Il suffit de faire un tour sur www.yassine.net pour s’en persuader. Les films de ses visites aux quatre coins du Maroc sont, en particulier, des morceaux d’anthologie : accueil à l’aéroport par des petites filles qui lui offrent des bouquets de fleurs, responsables de la Jamaâ alignés pour lui baiser l’épaule, foules en liesse dans la rue à l’approche du “Guide général”, qui leur répond par des gestes de Majesté (il leur envoie des baisers, porte la main droite sur son cœur…). Bref, du Hassan II à sa grande époque. De quoi impressionner des centaines de milliers d’adeptes et de sympathisants, et les rendre encore plus perméables aux “visions” de changement de régime martelées par Al Adl. En clair, de quoi galvaniser les foules.
L’approche “légaliste soft” de Benmoussa a donc pour objectif de démontrer à Al Adl que l’Etat n’entend pas se laisser déborder… mais sans offrir aux militants la posture du martyr – dont ils ont usé et abusé à chaque fois que l’Etat les a réprimés bêtement et méchamment. Bien joué, rien à dire.
Cette nouvelle stratégie de l’Intérieur pourrait aussi se révéler bénéfique à terme, quand se produira l’inévitable échéance : la disparition de Yassine, 78 ans aujourd’hui. Cela fait quelques années déjà qu’un débat secoue Al Adl sur l’opportunité d’intégrer le jeu politique officiel, à la manière du PJD. La décision a toujours été différée parce que Yassine y est opposé par principe. Une fois le Guide disparu, elle reviendra à l’ordre du jour. Et là, les tenants de la ligne participationniste auront un sérieux argument pour imposer leurs vues aux ultras : “L’Etat n’est plus aussi grossier qu’avant ; il est ferme, mais prêt au dialogue”. À la bonne heure !
Edito de Telquel
N°227 - 27 mai au 2 juin 2006
Ahmed R. Benshemsi
Un milliard de joints !!
Une loi violée plusieurs millions de fois par jour doit être réexaminée. C’est le bon sens même.
Coup de chapeau à La Vie Eco, pour cette succulente petite analyse publiée dans son dernier numéro. Selon notre confrère, “en 2005, la Régie des tabacs a vendu 15,2 millions de cahiers de feuilles à rouler, soit l'équivalent de 1,14 milliard de feuilles. Parallèlement, les ventes de tabac à rouler se sont élevées à 1700 tonnes, (ce qui constitue après calcul) 1,7 million de cigarettes roulées. Reste plus d'un milliard de feuilles consommées mais non destinées à rouler du tabac. Elles servent à confectionner des joints. Ainsi, 1,1 milliard de joints ont été fumés au Maroc en 2005”. Ça fait plus de 3 millions de joints fumés par jour ! Et avec ça, c’est toujours interdit ?!!
Une loi violée plusieurs millions de fois par jour est une loi que le simple bon sens impose de réexaminer. On ne peut pas criminaliser une aussi grosse partie de la société, abstraction faite de toutes les considérations idéologiques. Et d’ailleurs parlons-en, de ces considérations… Le cannabis est interdit par l’islam ? Pas explicitement, et de toute façon pas plus que l’alcool, qui est en vente libre. Le cannabis est dangereux pour la santé ? Aucune étude scientifique, à aujourd’hui, ne l’a formellement prouvé. Mieux: on compte par centaines les études qui prouvent que sur l’échelle de la nocivité et de l’addiction, le cannabis vient après le tabac et l’alcool, drogues parfaitement légales, pourtant. Pour trancher, faisons simple : si les arguments des anti-cannabis étaient sérieux, les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse, l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne (j’en oublie sûrement) n’auraient jamais dépénalisé sa consommation. Ces pays-là sont des démocraties, et jamais des gouvernements démocratiques ne se permettraient de jouer avec la vie de leurs ressortissants. On en a vu tomber pour beaucoup moins que ça…
Au fond, pourquoi le haschich a-t-il si mauvaise image ? Parce qu’il est lié aux notions de trafic, de mafia, de gangsters… Mais imaginez – oui, même vous qui êtes contre, faites cet effort, c’est juste de l’imagination – imaginez donc que demain, le cannabis devienne légal au Maroc. Sa production, comme son commerce et sa consommation. Conséquence immédiate de cette réforme (qui ne nécessiterait rien d’autre qu’un trait de plume) : des millions de gens deviendraient instantanément “respectables”, après avoir été contraints toute leur vie de se cacher et de mentir. Les mafias s’écrouleraient, et les cultivateurs pourraient vivre dignement de leur travail, la tête haute.
Mais ce n’est que le début. Les 20 milliards de dirhams de recettes annuelles provenant du cannabis (estimation basse) pourraient entrer dans le PIB officiel. Imaginez les recettes fiscales potentielles… Avec ça, on pourrait se payer une INDH par an ! Imaginez aussi la transformation du Rif… De zone pauvre, rebelle et hors-la-loi, il pourrait devenir un centre touristique sans équivalent dans le monde. Une sorte de gigantesque Amsterdam, superbes paysages naturels en sus. Inutile de chercher péniblement 10 millions de touristes, on pourrait en avoir 20 ou même 30 – sans consentir aucun effort d’infrastructure, juste en encourageant le logement “chez l’habitant” (trop heureux de gagner sa vie honnêtement, enfin)…
Ces arguments (et beaucoup d’autres, si on se penche sérieusement sur cette option) constitueraient des armes imparables, entre les mains d’un Etat marocain qui aurait décidé de prendre le taureau par les cornes. Dans le concert de l’hypocrisie mondiale sur ce sujet, celui qui aurait décidé de “parler vrai” (comme les Pays-Bas l’ont fait, en leur temps) s’imposerait immédiatement à tous les autres, uniquement par la force et l’irréfutabilité de ses arguments.
Rêve, que tout cela ? Je le concède volontiers. Mais voilà la preuve, au moins, que les rêves peuvent être plus raisonnables que la réalité…
Edito de Telquel
N°226 - 20 au 26 mai 2006
Ahmed R. Benshemsi
Fâcher le roi
Réduire les pouvoirs du roi, d’accord. Risquer de le mécontenter, jamais !
C’est cyclique : voilà qu’on reparle de réformer la Constitution. Pourquoi, cette fois ? Parce qu’on cause de plus en plus de 2007 et des élections. C’est le moment pour les leaders de rouler des mécaniques. Leur but : séduire les votants et les militants de base, en démontrant qu’ils ne sont pas aussi inféodés au Palais qu’on le dit. Pour ce faire, quoi de mieux que de réclamer une réforme constitutionnelle ? “Réforme constitutionnelle”… Ah, que ces deux mots sont grisants ! Il suffit de les prononcer pour se sentir dans la peau d’un jeune opposant en goguette…
Qu’il nous soit permis de ne pas être dupes de ce grossier jeu de rôles. Comme d’habitude, seuls le PSU (Parti socialiste unifié) et le PJD (Parti de la justice et du développement) sont francs du collier. Les gauchistes n’y vont pas par quatre chemins : leur objectif, disent-ils, c’est la réduction des pouvoirs du roi. Ils savent bien qu’ils n’ont aucune chance de l’obtenir, mais au moins, en allant au bout de leur pensée – quitte à fâcher le roi – ils font preuve de courage politique, ce dont leurs bases ne manqueront pas de les créditer. Les islamistes, eux, sont dans l’approche inverse. Pourquoi fâcher le roi puisque cela ne servirait de toute façon à rien ? Autant déclarer crânement que la réforme constitutionnelle n’est pas à l’ordre du jour et que la priorité est ailleurs (aux élections, notamment). Les bases islamistes créditeront leurs leaders de leur pragmatisme, c’est déjà ça.
Quant aux autres, à commencer par les ténors de la Koutla, leur posture est confondante d’hypocrisie. “Nous réclamons une réforme de la Constitution !”, crient-ils en bombant le torse. Avant d’ajouter, mezzo voce, “mais c’est pour renforcer le gouvernement et le Parlement, pas pour affaiblir le roi”. Absurde. Tous les pouvoirs sont pleinement distribués par la Constitution actuelle. C’est mécanique : augmenter ceux du gouvernement et du Parlement ne peut se faire qu’en réduisant ceux du roi. Mais chut, pas de mots qui fâchent. On ne veut rien “augmenter” ni (surtout) rien “réduire”. On veut juste “renforcer” ceci “sans toucher” à cela… Franchement, qui ces gens croient-ils tromper sinon eux-mêmes?
Le pompon, c’est la forme que ces parangons de courage entendent donner à leur revendication : celle d’un mémorandum adressé au roi. Autrement dit, une note (très) polie, sans aucune obligation de suivi. Soumettre au roi un tel document consiste en fait à lui dire : “Majesté, réduisez vous-même vos pouvoirs, s’il vous plaît”. Mais pourquoi diable le ferait-il ? Comme ça, juste parce qu’on le lui demande gentiment?
Il y a bien, pourtant, une autre méthode. L’article 103 de la Constitution stipule sans ambiguïté qu’“un ou plusieurs membres d’une des deux chambres (du Parlement)” peut décider de soumettre au vote une proposition de révision constitutionnelle. Tout seul(s), sans rien demander au roi !! Certes, pour qu’une telle proposition passe, il lui faudrait une majorité des deux tiers, ce qui ne serait pas simple à obtenir. Mais en tentant le coup, les états-majors des partis, au moins, enverraient un signal fort d’indépendance et de courage politique. Sauf que du courage, personne n’en a. Réduire les pouvoirs du roi, d’accord. Prendre le risque de le fâcher, jamais ! Le ridicule de la situation est palpable.
Finalement, ce n’est peut-être pas si mal, que la “réforme constitutionnelle” ne soit que du verbiage de politiciens mous du bulbe. Franchement, le Maroc n’a rien à gagner en “renforçant” ces gens-là. La démocratie, ça se mérite.
Edito de Telquel
N°225 - 13 au 19 mai 2006
Ahmed R. Benshemsi
Le chômage selon Lahlimi
“Moul détail”, le “ferrach” de contrebande, le dealer… tous des “actifs occupés” !
Le chiffre est “historique”, claironnent les officiels. Pour la première fois depuis 35 ans, le taux de chômage au Maroc est “tombé” sous la barre des 10%.
Il est, précisément, de 9,8% pour le premier trimestre 2006. Incroyable ! Notre taux de chômage serait donc plus bas que ceux de l’Allemagne, la France,
l’Espagne et l’Italie ?!! Eh bien oui, à en croire le Haut commissariat au plan (HCP). L’explication serait simple : 9,8%, c’est une moyenne nationale.
En milieu urbain, le taux de chômage est de 15,4%, et en milieu rural, de 3,9%. Donc, si nous présentons un chiffre aussi formidable, c’est qu’il a plu cette
année et que presque tous les ruraux ont travaillé aux récoltes. CQFD, et les sceptiques sont invités à ravaler leur chique sous peine d’être taxés de
“nihilistes”…
Je vais quand même prendre ce risque, avec mes excuses anticipées à Monsieur Lahlimi. Non pas que notre Haut commissaire au plan nous donne de faux chiffres
hacha. Mais la méthode de calcul qui aboutit à ces chiffres est pour le moins étrange… Il faut savoir en effet que, selon le HCP, est considéré comme
“actif occupé” (par opposition à “actif non occupé”, c’est-à-dire chômeur) “toute personne, même non rémunérée, participant à la production de biens et
services”. “Même non rémunérée”, oui, vous avez bien lu.
Concrètement, ça se passe comme ça : des équipes d’enquêteurs du HCP sillonnent le royaume, et demandent aux gens : “Avez-vous exercé une activité les six
derniers mois ?”. Que cette activité ait été payante ou pas, formelle ou pas (voire légale ou pas !), si la réponse est “oui”, hop, le sondé est considéré
ipso facto comme “occupé”. Le sont donc, d’après cette logique : les vendeurs de cigarettes au détail, le petit dealer de quartier, le rural qui trime sans
contrepartie sur une exploitation familiale (même 2 ou 3 jours par mois), le “ferrach” qui vend sur un trottoir du linge espagnol acheté à Sebta, le marchand
d’escargots bouillis qui manie sa louche à la porte de Casa-Port, le revendeur de bouteilles vides qui passe avec sa carriole sous votre fenêtre en hurlant
“bîîîîîîîî”, etc... Que faut-il, dans ce cas, pour être officiellement déclaré “chômeur” ? Il faut répondre à l’enquêteur : “Non, je n’ai pas levé le petit
doigt durant les six derniers mois et j’attends, le joint au bec et sans bouger de mon trottoir, qu’on m’offre un job à la préfecture avec la mutuelle et
l’assurance retraite.” (Je caricature, oui, mais à peine). Vu comme ça, un taux de chômage de 9,8% est plutôt un drame national…
Cela dit, cette drôle de nomenclature est peut-être légitime, finalement. Après tout, il est logique que le taux de chômage d’un pays reflète l’état réel de
son tissu économique : très largement informel et précaire et se souciant comme d’une guigne de la légalité (notamment celle qui consiste à déclarer tout
employé). Mais dans ce cas, M. Lahlimi et ses distingués statisticiens devraient pousser leur logique jusqu’au bout et intégrer dans le revenu national le
fruit de toutes les activités informelles (donc, rappelons-le, illégales). Il y a quelques années, un homme politique de gauche avait estimé que ces
activités fournissaient, au bas mot, la moitié du revenu national réel. Si le HCP se conformait à cette logique, notre PIB ferait un bond, pour le coup
vraiment historique…
Politiquement, c’est évidemment inenvisageable. Quant à cette sympathique entourloupe que constitue notre méthode de calcul, on veut bien l’endosser,
puisque ça nous permet d’aligner des taux de chômage à faire pâlir d’envie le monde développé. Et tant pis si ce même monde développé, plutôt que de pâlir,
se gondole, le rouge aux joues. Le ridicule ne tuant pas, le Maroc est donc bien vivant. Et même en pleine forme.
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