Mohamed Selhami
Premier poste de transfert de devises jusqu’en 2005, avant d’être dépassés d’une tête par le tourisme, les MRE, ce n’est pas que cela. Ce sont aussi des
dizaines de milliers d’emplois.
Notre ami Sarkozy
Les Français ont la réputation d’être constamment en campagne électorale. Celle des présidentielles pour 2007 a commencé, il y a quelques mois déjà. Sarkozy
veut le pouvoir à tout prix. Il y pense chaque fois qu’il se rase le matin, dit-il. Dans son programme, l’immigration figure en bonne place. C’est
l’arlésienne des élections françaises. Nicolas Sarkozy n’y a pas échappé. Il est en train de faire voter une loi sur la base d’un slogan ravageur: “Une
immigration choisie et non subie”. Pas seulement pour les candidats au départ, mais même pour ceux qui sont déjà sur place. Autrement dit les sans-papiers,
résidant depuis dix ans et plus, doivent se préparer à faire leurs valises. Et leurs enfants à ranger leurs cartables, dès la prochaine rentrée scolaire.
Les représentants des églises de France sont allés dire à Jacques Chirac leur opposition à ce projet, qu’ils jugent contraire aux principes humanitaires
universels.
Que Nicolas Sarkozy aille chasser des électeurs sur les terres d’extrême droite de Jean-Marie le Pen, cela ne nous regarde pas. C’est de la ratatouille
électorale franco-française. Par contre, on est en droit de se demander si cette loi nous arrange. Et puis, qu’elle nous arrange ou pas, de toute façon,
on est concernés. Puisque, en France, nous n’avons pas que des immigrants naturalisés ou réguliers. Nous avons aussi des irréguliers, dont M. Sarkozy ne
veut plus. Les régularisations massives, dernièrement entreprises par l’Espagne et l’Italie, et dont beaucoup de Marocains ont profité, ce n’est pas son
genre.
Premier poste de transfert de devises jusqu’en 2005, avant d’être dépassés d’une tête par le tourisme, les MRE, ce n’est pas que cela. Ce sont aussi des
dizaines de milliers d’emplois.
En matière de coopération pour la lutte contre l’immigration clandestine, nous avons donné suffisamment de gages de bonne foi, et même à nos frais. L’Union
européenne en a solennellement pris acte. Nous serions mal récompensés par une reconduction massive de MRE, installés en France depuis des années, qui
travaillent et produisent, mais que l’État français a toujours maintenus en situation irrégulière. Pour mieux pouvoir les expulser à tout moment.
Une immigration jetable que M. Sarkozy s’apprête à commettre.
Il est proprement curieux qu’aucune de nos ONG, pourtant nombreuses aussi bien dans l’Hexagone qu’au Maroc, n’ait jugé utile de s’inquiéter de cette perspective.
Mohamed Selhami
Quoi qu'il en soit, il est hors de question de limiter l'espace de la liberté de la presse, sous prétexte de protéger une démocratisation en cours.
Le dernier verrou
L'année 2005 n'aura pas été bonne pour la presse. Reporters sans frontières en a fait le constat. De par le monde, des journalistes ont été tués, d'autres
enlevés ou jetés en prison. Qu'en est-il de l'état de la presse et de la situation de ceux qui la font, chez nous? Il est certain que, au niveau de
l'organisation de ce secteur, de bonnes choses ont été faites durant l'année passée. Particulièrement le contrat programme et la convention collective.
Deux textes de base qui l'un recadre l'aide de l'État à la presse écrite, l'autre codifie l'exercice de la profession et les relations de travail. Il faut
également citer la libéralisation du champ audiovisuel et le changement de statut des deux chaînes de la télévision nationale.
Ces avancées structurelles indéniables sont cependant ternies par la série de procès qui ont émaillé 2005. Il n'y a évidemment rien d'anormal à ce que des
cas de diffamation avérée soient portés devant la justice. C'est l'expression même de la loi dans sa volonté de protéger l'honneur et la vie privée des
citoyens, ainsi que l'image et la respectabilité des personnalités morales et des institutions. Sauf que, dans la plupart des cas, les sanctions financières
infligées aux titres poursuivis ressemblent à des tentatives d'étranglement plus qu'à des amendes raisonnables de dédommagement. Les juges ont eu la main
lourde comme s'ils s'étaient passé le mot. Il y a incontestablement, à ce niveau, une mauvaise lecture de la loi, qui a créé un climat malsain entre la
presse et la justice.
Pour être juste, disons que, des côtés du prétoire, il semble qu'une idée fondamentale n'ait pas encore été intégrée. À savoir que la presse est un outil d'accompagnement de
tout processus de changement, et non un instrument d'entrave ou de phagocytose de ce même processus. Quoi qu'il en soit, il est hors de question de limiter
l'espace de la liberté de la presse, sous prétexte de protéger une démocratisation en cours. Les fameuses “lignes rouges” ont pratiquement disparu.
La responsabilité des éditeurs et des journalistes, elle, demeure. Cela peut paraître contradictoire, mais c'est justement pour plus de responsabilisation
qu'il faut faire sauter un dernier verrou: les dispositions privatives de liberté du code de la Presse.
Mohamed Selhami
Une solution politique, juste, durable et mutuellement acceptable. Exit donc toute idée d’amputation du territoire marocain pour y implanter une nouvelle
wilaya algérienne.
Baroud d’honneur
On savait que l’ONU avait ses marronniers. Des questions qui reviennent à intervalle régulier. Certains sont de vrais casse- têtes, d’autres de faux
problèmes. Le cas du Sahara marocain fait partie de la deuxième catégorie. Deux fois par an, au minimum, il est automatiquement inscrit à l’ordre du jour
du Conseil de sécurité. D’une part, il faut bien prendre une décision à propos de la Minurso, dont la présence est régulièrement prorogée. Une affaire
de routine, d’écriture et d’intendance pour une poignée de casques bleus. D’autre part, il faut trouver une véritable solution à un artifice de problème.
Depuis trente ans, les secrétaires généraux successifs de l’ONU font un travail de Sisyphe. Toutes les propositions, les résolutions et les recommandations
renvoyaient à la case départ. La situation internationale et la configuration géopolitique de la région ont bougé, mais pas cette “pierre que Houari
Boumediene a mise dans la botte du Maroc”. Il semble qu’au plus haut niveau de gestion des affaires du monde, la décision a été prise d’en finir.
C’est ce qui ressort du dernier rapport en date de Kofi Annan, publié le 21 avril 2006. Le secrétaire général de l’ONU, qui, depuis son premier mandat,
a épuisé plusieurs représentants personnels pour la question du Sahara, est lui-même convaincu de la nécessité d’une sortie. Ce qu’il a formulé ainsi:
“Une solution politique, juste, durable et mutuellement acceptable”. Exit donc le référendum, encore plus toute idée d’amputation du territoire marocain
pour y implanter une nouvelle wilaya algérienne sous forme de micro-Etat fantoche. Il n’en fallait pas plus pour provoquer l’ire de l’appareil d’État
d’Alger, qui a, évidemment, activé le Polisario. Tir groupé à boulets rouges sur Kofi Annan. Le lexique des qualificatifs les moins diplomatiques est
mis dans le chargeur: “dérive grave”, “incitation au radicalisme”, “menace de reprendre les armes”.
À en croire cette littérature belliqueuse, l’armada algérienne serait aux portes de Laâyoune.
En fait, tout cela n’est que parade diplomatique. Pour sauver la face. Le Polisario a bel et bien été désarmé et son armée dissoute par Alger. Le triangle
saharien entre l’Algérie, le Niger, le Mali et la Mauritanie est devenu un carrefour de trafic d’armes, un foyer de terrorisme potentiel et de banditisme
réel. Bref, un abcès à crever. Par ailleurs, la Mauritanie, futur fournisseur d’un pétrole devenu cher et rare, a besoin d’être protégée. Dans ce contexte,
il ne peut y avoir pour le Sahara marocain qu’une solution politique. Celle d’une autonomie élargie. La messe est dite.
Mohamed Selhami
La bombe et le baril
Désormais, ça se joue au nucléaire. Aussi bien au plan énergétique que militaire. Un jeu dangereux sur deux registres explosifs.
Téhéran, quatrième producteur mondial du pétrole, est constamment connecté avec les bourses de Londres et de New York.
Et tout discours sur l’enrichissement de l’uranium est directement indexé sur le prix du baril. 60, 70 et bientôt 100 dollars
le fût, puis le vrai choc des civilisations dont on a tant parlé. Contrairement à la guerre de Troie, ce choc-là risque fort bien
d’avoir lieu. Il bouillonne sous nos yeux.
L’Iran veut sa bombe. Mahmoud Ahmadinejad en fait son cheval de bataille, la raison de son mandat électif et un second souffle
pour la révolution islamique. Au grand dam des Américains, qui semblaient s’en accommoder, l’islamisme politique qui sort des
urnes sent le soufre. Le voilà qui prend des allures de cham pignon atomique. Dans la poudrière du Golfe et du Proche-Orient,
l’or noir et l’atome sont en train de convoler en épousailles apocalyptiques.
Une question court tous les médias actuellement: l’Iran peut-il, doit-il, a-t-il le droit d’avoir la bombe atomique? Non!, répond
“le concert des nations”, grossièrement représenté par le monde occidental au sein de l’AIEA (Agence internationale à l’énergie atomique).
Pourquoi pas?, murmure la clameur sourde de la rue arabo-musulmane. Pourquoi Israël et pas l’Iran? Et on y ajoute même que Mohamed El Baradaï,
président de l’AIEA, auréolé de son prix Nobel de la paix tout frais, serait bien inspiré de faire la navette entre Téhéran et Tel Aviv.
Autrement, on retombe dans l’éternel “deux poids, deux mesures”: ce qui est interdit aux pays de la région, et d’autres régions,
est gracieusement permis à l’Etat hébreu.
Contrairement aux apparences, une deuxième bombe islamique obtenue par l’Iran ne ressemblera pas à celle déjà détenue par le Pakistan; à moins
que les Talibans prennent le pouvoir à Islamabad, ce qui n’est pas pour demain la veille.Les deux bombes sont fausses jumelles; la bombe
pakistanaise est sur orbite du sous-continent indien. Celle de l’Iran a une autre vocation géopolitique. Elle sera pointée sur un
Proche-Orient mouchoir de poche où tout largage atomique peut aussi exterminer ceux qui ne sont pas visés. C’est le seul élément qui
pourrait rendre cet équilibre de la terreur un peu plus stable. Entre temps, le ton monte et le baril flambe.
Mohamed Selhami
Louisa Hanoun a osé se prononcer contre la création d’un micro-État au Sahara, estimant que cela serait à contre-courant de la tendance mondiale actuelle.
Louisa-la-gaffe
Scandale politique et mobilisation médiatique à Alger. Louisa Hanoun, responsable du Parti des travailleurs algériens, a commis l’irréparable. Lors d’une
émission de la télévision algérienne, transmise le samedi 8 avril 2006, elle a osé se prononcer contre la création d’un micro-État au Sahara, estimant que
cela serait à contre-courant de la tendance mondiale actuelle des regroupements régionaux. Elle a même ajouté qu’une telle entité enclencherait un processus
de tribalisation sous forme de poussières de mini-États à travers tout le Sahara, qui traverse l’Algérie, le Mali, la Libye,
le Niger et la Mauritanie. Blasphème suprême. Jamais de tels propos n’ont été tenus dans un média algérien. Contre une telle provocation à l’état pur,
l’appareil d’État se mobilise. Des consignes fermes sont données aux rédactions, qui réagissent à l’unisson. S’ensuit une avalanche d’indignations et de
dénonciations. La pauvre Louisa Hanoun prend peur et se rétracte. Il n’est pas de mon ressort, a-t-elle rectifié, de reconnaître ou de ne pas reconnaître
la RASD, précisant qu’il s’agit d’une affaire d’État. Comprenez l’État algérien.
Il y a eu tout de même une fausse note dans ce concert orchestré. Nous la devons au Quotidien d’Oran, qui a appelé dans un éditorial à la liberté
d’expression sur la question du Sahara. Reprochant au passage à Louisa Hanoun d’avoir cédé à la pression, l’éditorialiste a rappelé que le général Khaled
Nezzar, l’ex-homme fort de la junte algérienne, avait pris la même position, provoqué le même tollé politico-médiatique, sans pour autant se déjuger.
Entre temps, Abdelaziz Bouteflika signe des contrats à tour de bras. Il est prêt à acheter tout ce qu’on lui propose. Des armes, bien sûr, mais aussi des
choux de Bruxelles, du gruyère de Savoie et du hareng de la mer du Nord. L’unique condition pour la passation des commandes est, évidemment, de dire oui à
une wilaya algérienne sur le Sahara marocain.
Le Président algérien, qui ne se porte pas très bien, se serait même piqué de mysticisme. Il aurait commandé à ses architectes une méga-mosquée. Là aussi,
il y a une condition: le minaret doit dépasser celui de la mosquée Hassan II. À quand un mausolée?
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